Un soir de semaine, nous sommes au lit, Céline bouquine et je suis dans un demi-sommeil, la tête sur son épaule.
Brusquement je me redresse en panique, le souffle court et le regard perdu ; Céline s'inquiète, je reste hagard, choqué.
Ce soir, j'ai eu une vision très difficile. Il me faudra un long moment pour reprendre mes esprits et récupérer de la terreur que j'ai vécu. Et parler.
Rien que de l'écrire ici me prend aux tripes.
Les passages en italique indiquent des ressentis qui m'ont particulièrement marqué.
Premier flash: je suis dans une hutte en pierre, il fait sombre et c'est enfumé. Il y a une ouverture qui donne sur l'extérieur. Une vieille femme a des bols en bois devant elle. Elle a de l'ocre ou un pigment rouge sur les mains, et m'en enduit le visage. Je ne réalise pas encore qui je suis. Mais je sens l'amour de cette grand-mère.
Deuxième flash: mes pieds marchent dans l'herbe. Cette herbe est grasse et mouillée, le sol est détrempé. Mes pieds sont petits et la peau est brune. Je porte une tunique de tissu grossier blanchâtre. Cette tunique me gratte affreusement. Je sais soudain que suis une petite fille. Et je sens la présence de l'eau partout, tout est humide, brumeux et la mer n'est pas loin.
Troisième image: je suis allongée sur une pierre sombre, mouillée. Son contact dans mon dos est froid, dur. La pierre est gluante de sang des précédents. Je suis terrifiée. Mais en même temps je n'ai pas le choix. Ma famille a faim et on m'a choisie.
Quatrième image: je vois un prêtre avec la lame levée au-dessus de moi. Puis le choc du coup dans la poitrine.
Cinquième flash: je sens la main du prêtre qui écarte mon ventre, saisit mon cœur et l'ôte. Fin de l'horreur.
Cette vision très dure m'a longtemps bouleversé. En particulier la sensation de la main du prêtre fouillant mon ventre est atroce.
Quand j'ai pu repenser à cette séquence sans ressentir de terreur, je l'ai immédiatement associée à une civilisation précolombienne en Amérique centrale ou du sud. L'histoire qui m'est montrée est claire: une petite fille sacrifiée pour contenter les dieux et mettre fin à une famine. En revanche mon moi moderne ne s'expliquait pas la pluie et l'herbe grasse, qui me semblaient plutôt indiquer une terre fertile, donc pourquoi une famine ?
Enfin, le point le plus perturbant est le fait que j'ai senti cette petite fille résignée ! Malgré sa terreur, elle a accepté ce geste. Pour sa famille.
Cette vision m'a beaucoup hanté. Et puis un jour, complètement par hasard, je tombe sur cet article du National Geographic. Et je fond littéralement en larmes. Car tout y est, tout concorde avec ma vision. De nombreux enfants sacrifiés pour apaiser la colère du ciel, au pied d'une falaise surplombant la mer. Leurs visages colorés de rouge, leurs tenues de toile. Le rituel mis en œuvre en ouvrant le sternum pour enlever le cœur. Et même la RAISON pour laquelle ce sacrifice a eu lieu: la faim! L'article explique même la cause de la famine: un intense épisode d'El Niño aurait fait s'abattre des pluies diluviennes, qui ont du anéantir les ressources nourricières de ce peuple, le poussant à cette extrémité d'offrir en sacrifice leur bien le plus précieux, des enfants. D'où l'herbe grasse et la terre détrempée, et la sensation que l'eau est partout!
C'est très difficile d'expliquer les sentiments qui m'ont traversé, j'étais déchiré entre le soulagement de SAVOIR ENFIN et une immense TRISTESSE, celle de cette petite fille, de sa famille, de son peuple.
Le lendemain de ma lecture de cet article, j'avais ma première séance de psychothérapie. Encore sous le choc, et quitte à passer pour un fou, je fais spontanément part à ma thérapeute de cette vision, en pleurs. Je n'oublierais jamais ce moment: elle me regarde et me dit "Wow j'ai la chair de poules!" Quelques jours plus tôt, elle avait en effet lu un autre article, également sur les pratiques sacrificielles, et avait senti que c'était important. Une belle connexion !
La bonne nouvelle: je venais de trouver LA bonne thérapeute 🍀🙏
Compte tenu de sa violence j'ai beaucoup hésité pour livrer cette histoire mais elle fait partie de cet éveil et, à ce titre, à sa place dans ma retranscription. Merci de m'avoir lu !
Crédit photo: Jackie Lou
Comments