La vie nous offre parfois de ces petits moments de lumière intense que sont les moments de compréhension profonde. Ces instants pivots, qui définissent un avant et un après. Du point de vue mécanique, dans la Grèce antique ces moments de temps hors du temps étaient nommés kairos d'après le dieu qui les régit: un moment de temps vertical, qui s'individualise du temps horizontal et linéaire qu'on connait tous et régit nos quotidiens, le chronos, pour lui donner une profondeur, une intensité spéciale.
Comme le pompon du manège, le petit Dieu Kairos passe en voletant, pour nous gratifier de cette opportunité, le bon geste / la bonne pensée au bon moment. Pour en bénéficier, le jeu consiste à attraper Kairos au vol par les cheveux, selon la mythologie !
Ce jour du 29 novembre 2022 est en effet à marquer d'une pierre blanche dans mon cahier de vie. Je suis sûr qu'à la toute fin, quand viendra mon heure de faire le bilan et la pesée de mon âme devant Osiris, je reverrais ce jour avec une grande joie. Il y aura surement aussi un peu de la fierté de l'écolier, qui réussit un exercice difficile au tableau, sous le regard bienveillant du maître.
Car ce 29 novembre, j'ai compris l'un des enjeux majeurs pour mon âme, dans cette existence. Je sais qu'il en est ainsi parce que la compréhension n'a pas eu lieu uniquement dans mon cerveau, mais aussi et surtout dans mon cœur. Un déclic intellectuel, suivi d'une joie intense qui m'a gonflé la poitrine. Et puis des larmes de joie, en abondance, pour mieux savourer ce cadeau. "Comprendre" n'est pas le mot juste, "faire mien" serait plus approprié. Un kairos, donc.
Depuis que j'ai débuté ma formation de coaching, une des règles de base qui nous est répétée est : "il n'y a pas d'aide sans demande". Cela parait évident n'est-ce pas ? Et pourtant... moi j'étais tellement à côté de la plaque, assez fréquemment dans une posture de Sauveur. Et aussi vrai que son nom de Sauveur lui donne une connotation positive et presque glorieuse, cette posture ne vaut pas mieux que les postures du persécuteur et de la victime, dans le triangle dramatique de Karpman.
Dans la vie de tous les jours, au boulot, dans les relations de copinage, de voisinage, dans nos engagements divers, il est assez facile de corriger cette tendance. Après tout: "s'il/elle ne veut pas de mon aide, qu'il/elle se démerde !" Les enjeux sont minimes, c'est donc facile.
Oui mais dans le cercle familial ? ou celui des amis chers ? quand il s'agit de gens vraiment proches ? quand les enjeux deviennent soudain essentiels ? quand ces choix impliquent des répercussions graves et/ou à long terme ? là, ça se corse pour de vrai. De vrai de vrai.
Et c'est exactement grâce à une telle situation que j'ai pu avoir cet insight. Une personne qui m'est proche a choisi tout récemment, en pleine conscience et pour des raisons qui lui sont propres, d'emprunter un chemin qui s'annonce extrêmement difficile, tortueux. Ténébreux, même. Je ne développerai pas davantage, pour respecter l'intimité et l'anonymat de cette personne.
Cela faisait ainsi quelques jours que je tournais cette situation en tête, en me demandant comment l'aider au mieux. Comme ramener cette personne vers plus de lumière ? Comment l'aider à sortir de ce chemin si sombre qu'elle se choisit ? Est-il encore possible de la faire changer d'avis ?
Après d'intenses réflexions, j'étais en train de réaliser qu'après avoir écouté, discuté, argumenté, offert mon aide et posé toutes les précautions nécessaires je ne pouvais finalement pas faire grand chose de plus. À part être là, disponible et avec tout mon amour.
Et c'est alors que me sont revenus d'un coup des situations similaires plus ou moins récentes, avec d'autres personnes, et puis tous les signes qui s'accumulaient sous mes yeux depuis quelques temps et que je refusais de voir:
accepter ce qui est et qu'on ne peut contrôler,
lâcher prise et garder confiance,
respecter le libre arbitre de l'autre, fût-il insupportable pour moi,
et voir en quoi cette situation m'aide, moi, à grandir.
J'en étais là de ma compréhension intellectuelle et psychologique de la situation, très cérébrale donc, lorsque soudain le fameux dieu Kairos est passé par là, voletant de ses p'tites ailes.... et je l'ai attrapé: c'était comme si le temps s'était suspendu, et qu'une brèche s'ouvrait en moi, en mon cœur. La fameuse profondeur du kairos, expérimentée en vrai !
Des scènes de mes vies antérieures me sont remonté de nouveau, et sont entrées en résonnance avec la conclusion que je venais de faire à l'instant, en me montrant comment, dans mes différentes vies passées j'avais toujours cherché à plaquer mes idéologies, mes convictions, mes croyances, en les imposant aux autres. Et j'employais alors différentes approches:
Soit en persécuteur: par la force, la violence et les armes, ou par l'emprise, la séduction et le pouvoir.
Soit en victime: en essayant de susciter la culpabilité, la miséricorde et la pitié.
Et aussi, comme maintenant, en incarnant le sauveur: en utilisant la logique intellectuelle et l'argumentation.
Oui, mon âme a ce penchant naturel, qui cherche à construire un monde à son image, selon ce qu'elle conçoit être bien ou mal. Comme beaucoup, j'imagine. Cela a souvent été motivé par des desseins très personnels (gloire, pouvoir, plaisir...) Mais aussi, parfois, avec la conviction sincère d'agir avec justesse et droiture, pour le plus grand bien commun.
Sauf que...
Sauf que ce n'est pas comme cela que ça marche, la vie. Les humains, qu'ils soient adultes, enfants, ou même vieillards, ont parfois besoin d'expérimenter la dureté, la laideur, l'horreur. De choisir de mettre leur propre lumière à l'épreuve des ténèbres. Et d'essayer de se sortir de ces ténèbres... ou d'y rester.
Cela parait dur, inconcevable, car cela suppose que l'on s'extrait du cadre de référence d'un humain vivant en société. Mais du point de vue de l'âme, il n'y a pas d'échec. Pas de bien ni de mal. On a expérimenté, et on a appris, quelles que soient l'issue et les conséquences de ce que l'on a pensé, dit, fait. C'est toujours une réussite, du point de vue de notre chemin d'évolution.
Et pour que tout cela soit possible, pour que les gens puissent avoir cette liberté d'expérimenter et d'exercer leur libre arbitre, cela implique que le monde dans lequel nous vivons permette ces ténèbres. Le monde a (aussi) besoin de noirceur. De là à dire que ce monde est parfait tel qu'il est, il n'y a qu'un petit pas ! Pas facile à accepter, surtout quand on constate l'actualité dans le monde.
Ce qu'il me manquait, ce que je devais réaliser, c'est cette humilité d'accepter que le monde est parfait tel qu'il est, avec sa lumière et ses ténèbres. Que les choix et les chemins des autres leur appartiennent, quel que soit le niveau de difficulté. Et que je n'ai pas à imposer ma lumière aux autres, simplement à briller à ma place.
Tout cela peut vous paraître évident, car peut-être avez-vous déjà vous même dépassé cela ? Bravo !!
Moi, je viens enfin de le faire MIEN. Et vue la très grande joie que cela a généré en moi malgré des implications difficiles, je crois sincèrement qu'intégrer cela était l'un des objectifs de ma mission de vie.
Pourquoi est-ce que je livre cette compréhension très personnelle sur la toile ? parce que je crois dur comme fer en l'ouverture et au partage, et au fait que donner un peu de soi permet de s'inspirer les uns les autres et de grandir ensemble. J'apprends beaucoup de ce que vous me livrez dans nos échanges, alors à mon tour de partager :)
Quelle chance j'ai ! et quelle joie aussi, c'est un peu comme si je venais de réussir le brevet des collèges ! à moi le lycée !
Merci de m'avoir lu :)
Crédit photo: Ludi
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