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Journal d'un apprenti-chamane #7 : quand tu reviens d'entre les morts...

  • juliengautherot
  • 17 mars
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 mars


"Non mais c'est quoi, ce titre putaclic ?!" pourriez-vous me dire, et vous auriez raison.

Derrière ce titre absolument racoleur (et c'est assumé !!) se cache pourtant un partage des plus étranges lié à la mort... MA mort !


Laissez-moi vous raconter.


Il y a une quarantaine de jours, mon chamane-guide Hi Hana Ktuk m'a indiqué qu'il était temps pour moi de passer par une épreuve spéciale. La période était creuse, peu de rendez-vous se prenaient, je m'apprêtais donc à redoubler d'efforts dans ma communication sur les réseaux.


Sauf qu'Hana m'a alors demandé l'exact contraire : m'en débrancher, des réseaux ! La première raison pour laquelle il a souhaité me proposer cette expérience est qu'il n'aime pas ces choses-là, tout simplement. La place que prennent les egos sur ces places digitales est telle, et leur influence sur mon propre ego font que lui n'aime pas que j'y communique. Et je dois bien reconnaître que moi aussi, j'y prends de moins en moins de plaisir.


"Oui sauf qu'il y a un moment, il faut bien gagner de l'argent pour payer le loyer et remplir le frigo... et donc pour cela : se rendre visible, communiquer ?!" je lui réponds. D'autant que la transmission fait partie intégrante de mon travail ici-bas. On ne transmet pas grand chose lorsque l'on reste caché.


Hana a alors été perspicace, en me renvoyant à cette simple question:

"Quelle est ta plus grande peur ? C'est vers elle que tu dois aller."


Outch.


Ma plus grande peur...

Sauter à l'élastique ?

Manger de la cervelle ?

Vivre dans un monde sans Alexandre Astier ? (quelle épouvante...)

Blague à part, depuis longtemps j'ai toujours craint d'être visible, de réussir, de me montrer, de briller. Cela remonte à l'enfance, et aussi probablement à mes vies d'avant. Car je sais que le succès amène les critiques, la jalousie, parfois les coups bas... Tout cela joue sur l'amour et le regard que l'on reçoit de l'autre, et la peur de tout gâcher et tout perdre parce qu'on brille trop. Et quand on a comme moi construit un attachement insécure durant la prime enfance, cette peur du désamour de l'autre régit TOUT dans notre vie.


Et puis je craignais aussi ceci : le succès dope l'ego !! Et lorsque maître ego ne se sent plus de joie, il veut montrer sa belle voix, ouvre un large bec et laisse tomber ses meilleurs côtés pour continuer d'entretenir ce succès, par peur de tout perdre ! Depuis le début de mon éveil, je me suis toujours beaucoup méfié de mon ego et de ce qu'il pourrait faire de tout cela : la connexion à l'invisible, la transmission, le chamanisme... et je suis d'ailleurs tombé à plusieurs reprises dans les pièges qu'il me tend.


Donc, j'avais peur de briller. Mais... pour être tout à fait franc, cette peur de réussir n'était qu'un leurre. Car j'étais encore en train de me raconter des histoires !! En effet, je savais bien qu'au fond de moi, une autre peur, tapie derrière, était bien la pire des deux, la plus violente finalement. La peur de ne pas être, de ne pas exister dans la conscience des gens, de disparaître, de ne servir à rien. La peur du néant. À la peur "d'exister trop fort" s'opposait donc plus fortement celle de disparaître. Le comble était que j'avais d'ailleurs déjà écrit au sujet de cette peur dans un précédent post (ici).


Alors, j'ai accepté de la traverser, cette peur. Lorsque l'on travaille à son compte, que son cabinet est à son domicile, et que l'on écrit des livres, on peut ne pratiquement plus croiser d'humains, et l'univers digital devient le principal moyen d'exister, d'être visible des autres. Alors, je me suis débranché des réseaux. Je me suis littéralement mis moi-même en quarantaine.


Mais là où j'ai réalisé qu'Hana était vraiment très fin dans ses plans pour moi, c'est que cette décision était concomitante avec l'arrêt de mes allocations chômage. Ainsi, non seulement il me fallait faire face à la peur de ne plus exister, mais aussi celle de ne plus parvenir à assumer financièrement ma vie comme celle de mes proches. Et comme de fait, le carnet de rendez-vous était toujours pratiquement vide. C'était, vraiment, le saut dans le néant. Glub !


Décidé à manifester ma confiance en la vie et en Hana, j'ai donc sauté le pas, et accepté en bloc cette disparition et ses risques. Mais avouez : ç'aurait été trop simple ainsi ! Et en effet, Cornes-de-renne me mijotait autre chose de son cru, une expérience plus intense encore, qui viendrait magnifier cette quarantaine...


Ce jour-là, je médite assis, devant mon petit autel, quand Hana m'invite à revêtir mon habit de chamane. L'heure est manifestement à la transe.


Une fois vêtu, je saisis mon tambour et commence à jouer. Depuis le voyage en Mongolie, mes transes s'étaient brusquement arrêtées. Elles n'ont repris que quelques mois plus tard, et de manière encore plus dynamique : lorsque je les vis, c'est debout, en dansant et en chantant. Cela reste encore un peu étrange pour moi, mais j'apprends à m'y habituer, à mettre de côté cette petite voix qui me susurre "Non mais vraiment, à quoi tu joues ! Regarde toi !"


Donc, assez rapidement alors que je danse, j'ai une vision, et celle-ci me dérange au plus haut point : je me vois moi, allongé sur le sol, blême et raide, les bras le long du corps. La position dans laquelle je vois mon double ne laisse aucun doute : il est, ou plutôt je suis, mort. J'ai à mes pieds mon propre corps ! Je suis dédoublé, et mon moi-chamane continue de jouer du tambour, de chanter et danser autour de cette "moi-dépouille". La parcelle de conscience qui reste toujours en veille en moi, observatrice, a un éclair de compréhension : je suis en train de réaliser une cérémonie funéraire. La mienne !!


Cette transe dure un petit moment. Lorsque j'en reviens, les questions se bousculent mais rapidement, je comprends l'idée générale de ce qu'il vient de se passer : Hana souhaite que je ne me débranche pas seulement d'internet, mais du monde ! Et pour l'acter, il me fait passer par ma propre mort ritualisée. Peut-être suis-je même en train de me dépouiller de l'ancien moi ? Tout cela est extrêmement déstabilisant à vivre, d'autant que cela ne s'arrête pas là : il m'est demandé de creuser une petite sépulture dans le jardin de la maison.


Alors, je me rends au jardin et suis rapidement guidé vers le pied d'un bouleau : c'est là que reposera mon ancien moi. J'y creuse un petit trou, puis très solennellement me coupe une mèche de cheveux. Avant de reboucher cette petite "tombe", mû par une intuition je ramasse une graine d'arbre que j'enterre avec mes cheveux. La cérémonie terminée, avec ma petite bougie à la main je reçois cette information : "cinq jours". Durant cinq jours donc, j'ai porté mon deuil, en allumant quotidiennement une bougie blanche, que je devais laisser se consumer entièrement. Émotionnellement, cette période n'a pas été évidente à traverser. Il me fallait faire pleinement confiance au processus, je le souhaitais d'ailleurs, mais en bon occidental une partie de moi cherchait toujours à comprendre où nous allions et comment cela allait évoluer, à contrôler le processus plutôt que de le vivre. Pas facile de se départir d'années de conditionnement, et d'un mental toujours très présent !


Si je me doutais qu'en miroir à cette cérémonie funéraire, se présenterait probablement une cérémonie de renaissance, en revanche je ne savais absolument pas quand ni comment, ni ce qui en déciderait le déclenchement. Et alors que je me questionnais sur ces sujets, cette information tomba : "Tu pourras renaître quand tu auras du râpé."


Il me faut expliquer ici ce qu'est le râpé : il s'agit d'un mélange très principalement de tabac auquel sont ajoutées d'autres plantes, que certaines tribus amérindiennes utilisent dans les processus de transes chamaniques. Il en existe autant de recettes que de tribus. Ce n'est pas à proprement parler une drogue, cela ne contient aucune substance stupéfiante ou illicite. Mais cela a ses vertus propres et aide le chamane, ou le consultant, à accéder plus intensément à la dimension invisible. J'avais déjà connu son utilisation à deux reprises : lorsque j'avais fait ma toute première transe (voir ici) tout comme lors de la naissance de mon tambour chamanique. Et c'est vrai que ce mélange en poudre, que l'on aspire par le nez, m'avait fait un sacré effet.


J'ai donc commandé ce râpé, et quelques jours après l'avoir reçu, je renaissais à moi ! C'était le 20 février. Jour de la Saint... Aimé ! *Love, love, love* [musique des Beatles]


Après avoir absorbé un peu de râpé et une gorgée de vodka [cette dernière est très utilisée dans le chamanisme mongol pour ses vertus purificatrices et pour les offrandes, j'ai au cabinet une bouteille de vodka qui a été "activée" par la chamane mongole Bayaraa] je pars rapidement en transe. Je me retrouve dans un univers tout noir. Je joue du tambour, danse et chante, la transe enfle. Puis au loin j'aperçois un rayon de lumière qui fend l'obscurité et descend sur quelque chose au sol. Je m'approche et vois que ce quelque chose n'est autre... qu'un bébé ! Et en l'occurrence, il s'agit de moi bébé.


À cet instant, "on" me demande de me placer sur lui. Ce que je fais : je m'allonge ainsi, dos au sol, à l'emplacement où est ce "bébé moi". Je plaque le tambour contre mon ventre et me mets à jouer très puissamment. C'est alors que de drôles de sensations me prennent, je me sens oppressé, comprimé de partout, écrasé... sur le haut de la tête surtout, et ensuite le visage. Comme si j'étais dans un sac qui se resserrait autour de moi... et ma partie consciente comprend que ce sont des contractions, je suis en train de revivre l'accouchement de ma maman et ma naissance.


Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est très, très musclé de naître ! C'est même extrêmement physique, et vraiment angoissant de se sentir ainsi écrasé et "malaxé". D'autant qu'à la différence d'un vrai bébé, qui est muni de son cordon ombilical qui l'oxygène, je me sentais moi complètement étouffé, en manque d'air. Mon coeur battait à tout rompre.


Petit à petit, cette sensation d'écrasement intense se déplaçait de la tête jusqu'aux épaules, puis à mon bassin ; je ressentais pleinement le processus de naissance et le passage de l'utérus maternel au monde extérieur. Quand je suis enfin "sorti" complètement, j'ai pu reprendre une grande goulée d'air, respirer à pleins poumons, quelle délivrance !


Mon rythme cardiaque se calmant, ma respiration ralentissant, le tambour jouait toujours, mais plus lentement, adoptant la cadence des battements... d'un coeur.


Alors que le calme revient, je m'assieds et continue de jouer, toujours en transe. Je transpire, je sens mon corps comme brisé. Puis je vois le visage de ma maman se pencher sur moi, souriant ; elle me parle mais je ne comprends pas, cependant que je ressens la puissance de son amour. Et puis soudain, un mouvement de ma tête fait qu'une frange en cuir de mon masque chamanique atterrit dans ma bouche, qui par réflexe se met à le téter ! Il faut savoir qu'à ma naissance "réelle" il y a 47 ans, maman n'a pas réussi à m'allaiter, cela s'était très mal passé, j'y ai ressenti du rejet. Grâce à mon travail en psychothérapie, j'associais ce premier "rejet" comme l'évènement primordial sur lequel s'est construit cet attachement insécure, qui a par la suite été entretenu. Il est fort probable que ce rejet de l'allaitement par maman était lié à son propre passé traumatique. Avec le recul, je réalise qu'il m'a peut être été proposé de reconstruire un attachement sécure à l'occasion de cet "allaitement" 47 ans après, de me guérir de cet évènement primordial.


C'est alors que tout mon corps se redresse, je sens un intense regain d'énergie m'envahir ; je me mets debout, soulève mon tambour et mon hochet chamanique au-dessus de ma tête, et me met à parler dans cette langue étrange. Je m'adresse à ceux qui sont assis tout autour de moi, en cercle. Je ne sais ni qui ils sont ni le but de leur venue, mais je sens des présences autour de moi, qui me regardent. Et je comprends l'intention derrière ces intonations fortes et ce discours que je tiens : j'affirme mon existence au monde, je suis vivant, je suis là et je suis moi !


....


Depuis cette cérémonie de renaissance, les choses ont continué d'évoluer. S'il est toujours très présent, Hi Hana Ktuk a laissé de l'espace à un second chamane-guide qui est arrivé progressivement, un autre esprit. Il s'agit d'un petit chamane amazonien, pigment rouge sur le visage, coupe à frange, et un regard très perçant capable de lire le fond de notre âme même à travers nos masques et nos faux-semblants. "Yanomani" est le mot qui m'est venu lorsque je lui ai demandé qui il était. J'ai découvert qu'il existe réellement une tribu d'indigènes amazoniens dont l'appellation est très proche, les Yanomamis. Je ne connais pas encore son nom, à ce guide, mais son énergie est très forte, il est beaucoup plus punchy qu'Hana, presque impérieux.


Et si Hi Hana Ktuk est accompagné d'un loup, Yanomami va avec un jaguar.


Détail troublant : la dernière fois que j'ai croisé Bayaraa, la chamane mongole, elle m'avait dit qu'il me fallait ajouter sur mon habit de chamane une écharpe aux couleurs de la panthère, à porter en ceinture à la taille. Pour être tout à fait fidèle à la retranscription : Naraa qui traduisait les propos de Bayaraa, cherchait le mot en français, et m'a dit "c'est comme un très gros chat dans la jungle". C'est moi qui avais spontanément proposé "panthère", à quoi Naraa avait acquiescé. J'avais donc commandé une telle écharpe. Mais ce n'est que lorsque ce petit amazonien et son jaguar sont arrivés dans ma vie que j'ai fait le lien avec la recommandation de Bayaraa quelques mois plus tôt. De plus je ne connaissais pas trop les différences entre jaguar, léopard et panthère, j'ai donc voulu savoir s'il y avait une différence de pelage, comme moyen de les différencier. Et en effet, de petites différences dans le tacheté permettent de distinguer un léopard d'un jaguar, tous deux appartenant à la famille des panthères.


Et c'est là que tout devient absolument magique : si la plupart des tissus imprimés style panthère du commerce sont des imitations de pelages du léopard, celle que je m'étais procurée est bel et bien une imitation de pelage de jaguar. Comme de par hasard !!!


Depuis que le travail a commencé avec ce nouvel esprit-guide, j'ai l'impression d'être retourné à la case départ : nouveaux apprentissages, retour des migraines et de la fatigue. Mais maintenant que je sais comment cela fonctionne, c'est signe que le travail profond est à l'œuvre. Quant à Cornes-de-renne, il est toujours présent, et je ressens intuitivement qu'il reste le "guide référent" qui supervise mon développement, le travail se faisant désormais en collaboration avec un autre chamane-esprit.


J'oublie de préciser qu'à l'occasion de cette cérémonie de renaissance, mon tambour aussi a continué de se développer : la mailloche a cassé ! Je l'avais déjà réparée une première fois, car le tissus de la boule de percussion s'était usé jusqu'à la garniture. Cette fois, pendant ma renaissance, elle a complètement lâché. Je pourrais certainement la réparer de nouveau, mais ce serait inutile car j'ai compris : mon tambour préfère la percussion directe avec le hochet chamanique que je possédais déjà... cela donne encore plus de puissance !


Me voilà donc avec de nouveaux compagnons de route :)


Et voilà donc que je refais surface. Etonnamment, aujourd'hui est le jour anniversaire du décès de mon père, voilà 26 ans. Coïncidence ?


Et toi :

  • Quelle est ta plus grande peur ? L'as-tu identifiée ?

  • Es-tu complètement honnête (ou penses-tu l'être !) quand tu l'analyses ?

  • Te sentirais-tu prêt(e) à la traverser ?

  • Si non : qu'est-ce qu'il te manquerait pour y parvenir ?

  • Si oui : es-tu sûr(e) que les sécurités (le cadre) sont bien posées, avant de t'y engager ?


Si ce n'est pas clair ou que tu ressens avoir besoin d'aide, contacte-moi pour un coaching !


Merci de m'avoir lu !


Crédit photo Pixabay\Luis Miranda













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